Siège de Dijon

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Après la double défaite française à Granson et à Morat contre les féroces Suisses, les troupes surentraînées de Charles le Téméraire doivent affronter un nouveau péril.

Il y a à peine plus de cinq cent ans, à l’époque de Charles le Téméraire (dit aussi Charles le Hardi, Charles le Guerrier ou encore Charles le Terrible), les Français habitant la région de Bourgogne furent attaqués par un de leurs adversaires les plus odieux.

Durant huit ans, l’ennemi assiégea sans trêve la ville de Dijon dont il finit même par réduire en ruines le Palais ducal.

Le fléau surgit un jour de juillet. C’était une de ces après-midi d’été empreintes d’une touffeur doucereuse, lourdes d’une humidité épuisante. Par delà les collines verdoyantes, l’ennemi vint, il progressa, il avança, inexorable, farouche, épouvantable dans sa volonté inhumaine d'atteindre la ville de Dijon.

Plus encore que la victoire de Napoléon à Waterloo, le siège de Dijon demeure parmi les plus longues, les plus violentes, les plus harassantes épreuves militaires dans l’esprit du peuple Français. Ces heures sombres furent dérobées à l’Histoire pendant des siècles - en raison de certains petits détails relativement embarrassants – jusqu'à ce jour.

L’Ennemi apparaît

En ce début d’après-midi du 23 Juillet de l’an de grâce 1468, un garde français était à son poste. Il était assis, bien sûr. Il regardait l'herbe croître sous lui avec un regard empreint de douceur et de bonhomie. Il pensait aussi, parfois.

Il pensait. En ce moment précis, il envisageait avec sérieux de déserter discrètement son poste – oh, juste un instant - pour se faire rissoler quelques escargots de Bourgogne en persillade. Il s’en pourléchait les babines à l’avance…

C’est alors qu’un mouvement lent et insidieux tout au loin sur les vertes collines attira soudain l'attention de la sentinelle. « Sacrebleu ! » gémit-il d'effroi.

Là-bas, dans un languissant mais impitoyable mouvement de reptation horizontale, au long des sommets bleu tendre des collines qui bordaient la ville, se tenait le plus grand, le plus immense, le plus gigantesque des escargots de Bourgogne que lui ou quiconque n'avait jamais vu de ses yeux. Le Français prit d’abord soin de compisser et de conchier instantanément ses culottes, suite à quoi il égrena environ trois douzaines de patenôtres, quatre chapelets de Salve Regina et une vingtaine d’Oremus et pro perfidis judaeis en quelques secondes et cinq langues (quatre desquelles il inventa pour l’occasion) et hurla sur le contre-ut suraigu qu’on réserve d’habitude pour les chutes d’une hauteur de plus de cinquante pieds ; mais surtout et avant tout et il s’enfuit de son poste. Tout en détalant, il hurlait, le pauvre diable, il hurlait : « L’escargot ! L’escargot géant est là ! Que Dieu sauve nos âmes ! »

Premier mois du siège

L’arrivée de l’ « Escargot du Démon », comme il fut bientôt appelé, fut reçue au sein de la population avec la panique et l’hystérie généralisées que se doit de respecter le peuple Français lorsqu'il est confronté à une menace infime. Nobles et gueux, tous égaux et fraternels dans l’épouvante, attendirent quatre longues et angoissantes semaines que l'escargot chemine depuis le haut des vignobles bourguignons jusqu’au pied des remparts de la cité. La course terrifiante du gastéropode de trente mètres fut finalement arrêtée par les murs.

L’artillerie dijonnaise, commandée par Charles le Téméraire en personne, tira alors un boulet de canon en direction de l'escargot monstrueux. D’une manière typiquement française (c’est-à-dire invraisemblablement inefficace), la pièce de métal s’éloigna d’une distance de deux pieds et quatre pouces de la gueule du canon et tomba sur Gaston, le poivrot de la ville. Le « clang » du boulet sur la tête désormais réduite en bouillie du malheureux Gaston suffit pour attirer l'attention du terrible escargot. Il leva la tête et agita l’antenne gauche d’une façon assez menaçante. Aussitôt le fameux « réflexe de reddition » français se mit en branle.

Le réflexe de reddition

Le « réflexe de reddition » est un trouble nerveux que contractent exclusivement les Français. Il affecte l'ensemble de la population du nouveau-né jusqu’au vieillard sénile. Sitôt qu’un individu atteint de ce trouble (un individu français, il va de soit) se voit confronté à un conflit, son « réflexe de reddition » prend effet.

Le Français se rend immédiatement et concède à toutes les clauses de l’occupant, ce qui comprend - mais n'est pas limitatif - l'occupation du territoire ; l’obligation de subir les bonnes manières de la part des officiers ennemis et le cantonnement des troupes hostiles dans la chambre conjugale ; les filles, soeurs et mères accordées sans résistance à l’agresseur ; et les truffes sauce au Gigondas vieux millésime remises à l'envahisseur à titre gracieux.

Cependant, l'escargot semblait peu disposé à piller la ville qu’il venait de conquérir. Il détourna mollement son regard vers le feuillage des arbres situés à proximité et commença à les grignoter.

An II du siège : le second mois

Une des trois vierges. On dit qu'une image parle mieux que des mots alors laissons l'image parler d'elle-même.

Au bout d’un an de siège, les têtes pensantes de la ville mirent au point un nouveau plan infaillible pour se débarrasser de l'immonde gastéropode. Il fut décidé de sacrifier toutes les vierges de la cité à l’escargot géant. Chacun s'accorda à reconnaître que c’était une excellente idée : un escargot ne pouvait à coup sûr refuser un tel sacrifice.

Malheureusement, les Dijonnais oubliaient un fait essentiel : ils étaient français et donc habitués à la « chose » dès le plus jeune âge. Charles le Téméraire chercha et chercha et chercha encore mais force lui fut de reconnaître qu’il n’y avait pas plus de trois misérables vierges dans toute la ville. Le moral au plus bas, les assiégés présentèrent néanmoins leur sacrifice à l’escargot qui semblait s’ennuyer un peu. À la surprise générale, l'escargot dévora immédiatement les vierges en faisant montre d’une horrible fureur sanguinaire !

Toutefois, lorsqu’une délégation constituée de personnes non vierges s’approcha de l'escargot en brandissant le drapeau blanc, dans la conviction que l’offre avait été acceptée, l'escargot les avala eux aussi vite fait bien fait.

Certains historiens contemporains ont stipulé que l'escargot souhaitait exercer une juste revanche en souvenir de ses confrères exterminés. Mais ces penseurs ne se rendent pas compte que si l'escargot avait réellement voulu venger son espèce, il aurait fait rissoler les Français avec de l'ail, du beurre et du persil. Ainsi, l'hypothèse que l'escargot avait tout simplement bon appétit reste toujours d’actualité.

Quoi qu’il en soit, les Français se retirèrent promptement dans la sécurité relative de leur enceinte.

An II du siège : du 3ème au 12ème mois

L’escargot, épuisé par ses exploits, fit une petite sieste.

An III du siège : premier mois

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Un fait assez peu connu concernant la Bourgogne est que son principal secteur d'exportation (et d'importation) est le vin : vins rouges, vins blancs, vins rosés, vins pétillants, vins liquoreux, quoi que vous puissiez demander, la Bourgogne en a. Aussi un beau jour, après deux ans d'occupation ennemie, un Français anonyme eut une idée. Si le vainqueur n’acceptait pas les femmes, peut-être préférerait-il le vin. Cette idée inhabituellement géniale fut rapidement mise en œuvre par Charles le Téméraire. Douze foudres de 50 hectolitres des meilleurs crûs de Bourgogne furent présentés au gastéropode.

L'escargot vînt boire avec prudence. Les troupes françaises, embusquées derrière les créneaux, attendaient sa réaction en retenant leur souffle. L'escargot goûta le breuvage. Il prit une seconde goulée. Une autre de plus. Puis il plongea carrément dans le fût, engloutissant la boisson plus vite que n'importe quel Français ingurgiterait son poids en ail. À la grande joie des citoyens, l'escargot était en état complet d'ébriété, il trinquait à qui mieux mieux avec les habitants et ce fut pour la population comme pour l’escargot un grand moment de liesse générale.

Néanmoins, l'extase fut un peu tempérée lorsque le gastéropode géant s’effondra d’un coup au beau milieu de la beuverie en défonçant le rempart ouest. La gueule de bois le lendemain fut pour le moins épique.

An V du siège : du 4ème au 10ème mois

Et le temps passa, comme il le fait si souvent... À la longue, le mouvement de « Résistance » franchit le stade de se bourrer la gueule tous les mardis et commença à réfléchir sur - je cite - « le sérieux problème de l’escargot. »

Un beau jour de la cinquième année du Règne de l'Escargot, un savant humaniste et philosophe teuton s’arrêta dans la ville ; il comptait y terminer l’ouvrage de sa vie, une somme monumentale de quatre mille pages calligraphiées traitant des Prolégomènes Critiques aux Vertus Morales de la Moutarde de Dijon.

Comme il s’avançait sous le porche d'entrée, l’Allemand remarqua qu'un escargot particulièrement grand avait établi son domicile près des murs. Le savant s’en étonna à la réceptionniste de l'auberge d’où il fut brutalement rebuté et mis à la porte avec le conseil d’insérer son insultant savoir allemand en une certaine partie de son corps « où le soleil ne brille pas. »

Comme l'Allemand décida tout de même de rester en ville, il eut connaissance du terrible fléau qui l’affligeait. Il prit le parti d'inventer une kolossale über-arme d’extermination anti-escargot (telle que seuls les Teutons sont capables d’en concevoir) pour en finir avec la bête. Faisant preuve d’une originalité typiquement germanique, il mit au point une salière géante. Dans un premier temps, les français crachèrent vivement sur l'invention et son créateur ; dans un second, ils la reprirent à leur compte. Hélas, aucun d'entre eux ne savait comment la faire marcher. C’est seulement grâce à une série d’études du type essai-erreur qu’ils finirent par découvrir miraculeusement son principe de fonctionnement.

Le dimanche suivant, les gardes renversèrent la grosse salière sur l'escargot. L'escargot se retira en sécurité dans sa coquille. De temps en temps, il sortait un peu la tête et l'ensemble du processus se répétait. Les Français manquèrent bientôt de sel et, une fois encore, ils se retrouvèrent à la case départ.

An VIII du siège : troisième mois

Le temps s’écoula un peu plus. À propos, connaissez-vous le Paresseux-garou ?

Fin de la huitième année du siège

Les dévastations causées par l'ennemi.

Après un long moment, comme il ne bougeait plus, quelqu'un se risqua à inspecter l'escargot : il était mort, très probablement de vieillesse. À la manière française traditionnelle, la population se déversa vers lui. On le charroya à l’intérieur de la ville où l’on fit promptement bouillir de grands chaudrons remplis d'ail, de beurre, de persil et aussi de persil, de beurre et d'ail. L'escargot fut mangé rapidement et un mois de rude célébration s’ensuivit. La Résistance s’attribua la « victoire » aux cris de « Nous avons vaincu l'escargot ! » jusqu'à ce que cela devienne un des plus ennuyeux lieux communs français que l'on connaisse.

Mais les dégâts causés par le gigantesque gastéropode étaient considérables. L'ensemble du mur ouest était démoli, des centaines de Français avaient perdu la vie dans l’affaire, Charles le Téméraire s’était cassé un ongle, et toute dignité était irrévocablement perdue. Les historiens français cachèrent cet épisode embarrassant au reste du monde. Mais vous, vous savez maintenant TOUTE LA VÉRITÉ !


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Cet article, basé sur le texte Uncyclopédien The Siege of Bordeaux, est disponible uniquement sous licence CC-BY-NC-SA de Creative Commons.


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