Rêve lucide

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Le rêve lucide se définit très précisément comme suit : un rêve où le sujet observateur, philosophique et conscient, se rappelle de se souvenir de savoir qu’il se rend compte qu’il réalise qu’il rêve dans son état métaphysique de rêveur. Cette définition peut paraître compliquée au premier abord mais il ne s’en est pas trouvée de meilleure en Occident.

Le rêve lucide est connu depuis un temps assez long dans toutes les sociétés - à l’unique exception des sociétés savantes. Lorsque l’anthropologue curieux présente sa définition au chamane d’un village Iakoute, celui-ci ôte son walkman et se gratte la tête un bon moment avant de répondre : « Vous voulez peut-être parler du voyage astral ? » Comme l’anthropologue ne connaît que les techniques archaïques de l'extase de Mircea Eliade, il en déduit que rien de tel n’est pratiqué dans cette société tribale.

Problème de définition

Comme on le constate avec regret, la définition occidentale du rêve lucide n’est pas perçue comme une évidence phénoménologique dans d’autres sociétés (faudra-t-il enfin admettre qu’elles sont moins évoluées ?). Si du moins le terme « lucide » avait signifié quelque chose de compréhensible, peut-être en aurait-il été autrement. Par malheur ce mot « lucide », qui de manière paradoxale ne suggère pas grand’chose de clair, fut utilisé successivement par un sinologue aristocrate professeur au Collège de France puis par un hypnologue socialiste converti au catholicisme néerlandais. Cela ne contribua certes pas à éclaircir sa signification mais renforça sa nécessité historique.

Une étude récente du Dr Léon-Théodule Schmerz de la Faculté de Psychologie de l’Université de Genève, portant sur pas moins que 1500 individus, a démontré en 2005 que les sujets non affectés de troubles psychologiques utilisent plus souvent l’expression « rêve conscient ». Quoiqu’il en soit, c’est le terme « rêve lucide » qu’on trouve aujourd’hui dans la littérature spécialisée et il faudra bien s’y habituer.

Faute de pouvoir se faire comprendre à l’aide d’un terme explicite, les chercheurs en onirologie ont décidé d’un commun accord de préciser le substrat du phénomène à travers une description circonstanciée. Selon le poète palois Paul-Jean Toulet (ou quelqu’un d’autre dont le patronyme était bigrement ressemblant), un « rêve lucide » est un rêve :

  • où le sujet observateur, philosophique et conscient, se rappelle de se souvenir de savoir qu’il prend conscience qu’il réalise qu’il rêve dans son état métaphysique de rêveur (comme on l’a déjà dit plus haut) ;
  • où il reste à voleter en rond dans sa chambre comme un moineau entré par hasard dans un salon de coiffure, et n’arrive à traverser ni les murs ni les portes ;
  • où il n’a pas la présence d’esprit d’ouvrir la porte à l’aide du loquet comme tout le monde ;
  • où il ne se souvient pas des objectifs d’expérimentation tellement intéressants qu’il s’était proposés à l’état de veille ;
  • où il cherche à vérifier si le pot de chambre posé à l’instant sur le réfrigérateur par son chien, pour l’occasion doué de la parole, sera au même endroit à son réveil.

Toutes ces conditions sont nécessaires, selon ce spécialiste, pour qu’il s’agisse véritablement d’un rêve lucide. Les autres types de rêves sont appelés « hyperlucides ». Un grand expert du rêve lucide réside à La Vacquerie-et-Saint-Martin-de-Castries, dans les causses du Larzac.

Le rêve lucide à travers les âges

A première vue, il paraît complètement farfelu de chercher dans l’Histoire de l’Humanité des traces d’une faculté apparemment indissociable de la conscience, à partir d’une définition ambiguë, et ce sur des textes rares, à moitié rongés par les vers ou mal recopiés par des moines qui n’avaient pas encore inventé le verre de correction, pour prouver qu’elle a autrefois existé. C’est pourtant le labeur ingrat mais prestigieux de l’Historien et nous lui devons par reconnaissance de résumer fidèlement son travail.

Il exista sous l’Antiquité et dans les premiers siècles de notre ère de très anciens parchemins en peau de brebis, rédigés par la plume d’oie tremblante de quelques philosophes asthmatiques, qui évoquent peut-être le rêve lucide ; mais rien n’est moins sûr. La période la plus intéressante aux yeux de l’historien enthousiaste arrive bien plus tard lorsque, sous des prétextes formellement documentés, quelques bons milliers de rêveuses lucides furent rôties sur des bûchers pour leur apprendre à mieux voler. Ces personnes prétendaient voyager en rêve les nuits du jeudi au vendredi, sous la forme de papillons, souris, chats, lièvres et autres animaux il faut bien l’avouer assez ridicules. Tout ceci était un peu trop grotesque et de mauvais goût pour ne pas avoir à être rectifié et, après cette pandémie paroxystique de rêves lucides au XVe et au XVIe, il n’en fut plus qu’épisodiquement question durant les siècles suivants.

Ce fut seulement dans les dernières années du XIXe, grâce à la comtesse russe Nadejda Popovna Blablatsky, médium, spirite, cartomancienne, retour de l'être aimé, voyance par téléphone, arrêtez de fumer, retrouvez la chance au loto, que le rêve lucide fit un retour en force en Occident. A la page 657 du quarante-troisième tome de son œuvre formidable Le Savoir Cryptique Enfin Révélé, la grande initiée évoque cette manie curieuse qu’ont les yogis himalayens d’extérioriser leur « corps astral ».

Tout ceci ne faisant pas encore très sérieux, plusieurs scientifiques de haute volée se sont appliqués à démontrer durant le XXe siècle que cette expérience était compatible avec les modèles cliniques et psychopathologiques couramment admis dans les hôpitaux spécialisés.

Nécessaire explication scientifique

Sans une explication scientifique, un article qui se veut prétendre à l’indispensable rigueur encyclopédique ne vaut pas mieux qu’un cassoulet sans saucisse de Toulouse - pour reprendre l’inénarrable aphorisme d’un immense philosophe français contemporain (environ un mètre quatre-vingt dix). Le lecteur qui parcourt avec une jubilation grandissante, sensible à l’assouplissement non dissimulé de son muscle zygomatique, des mots doctes tels que cortex préfrontal, lobe temporo-pariétal, gyrus angulaire, scissure de Sylvius, se sent de plus en plus instruit et convaincu de la réelle utilité de sa lecture. Aussi n’avons-nous pas manqué de les recopier sur cet article.

Controverse terriblement pointue

Il est admis dans les milieux les plus autorisés qu’il ne faut surtout pas confondre rêve lucide et voyage astral. C’est une chose importante à savoir sous peine de passer pour un imbécile.

Un esprit naïf ou mal informé pourrait s’étonner de cette distinction, quand les rêveurs lucides tiennent le voyage astral pour rien d’autre qu’un rêve lucide et les astralistes le rêve lucide pour une forme de voyage astral. Si chacun des points de vue considère que les notions de rêve lucide et de voyage astral sont superposables, cela ne signifie-t-il pas que les termes sont synonymes ? On voit là combien une profonde méconnaissance, autant du sujet que des subtilités de la linguistique, peut amener à des déductions qui n’ont que l’apparence de la véracité.

Pour cette raison, dans les thèses universitaires et les ouvrages de psychologie, on évitera soigneusement de parler de Vladislav Demianovitch Monroe ou de Piotr Petrovitch Muldoon ; de manière parallèle, dans les ouvrages entassés sur les étagères poussiéreuses des librairies ésotériques, on cherchera en vain les noms d’Ivan Akakievitch LaBerge ou d’Anastasia Ilitch Green.

Et je n’y peux rien s’ils ont des prénoms à coucher dehors !

Méthodes du rêve lucide

Il existe de nombreuses méthodes pour provoquer des rêves lucides mais elles ne sont pas très connues. Parmi les plus efficaces, nous citerons brièvement et à titre d’exemple celles qui consistent à se moucher dans sa paume, à enlever et remettre ses lunettes, à se démettre une phalange, à regarder fréquemment sa montre ou encore à compter ses cinq doigts.

Les défenseurs de la doctrine astrale tiennent ces méthodes en un fort dédain : ils préconisent une technique plus compliquée qui peut se décomposer en fin de compte en deux principes fondamentaux : se coucher confortablement dans son lit et s’endormir.

Intérêts et applications du rêve lucide

Nombre de psychologues éminents ont cherché en vain un intérêt et des applications pour le rêve lucide. Comme ils n’ont découvert en faveur de cette activité rien de plus concluant que ce qu’ils auraient trouvé pour la pêche à la ligne, ils en ont déduit que c’était bon pour la santé. A partir des mêmes hypothèses, d’autres psychologues éminents ont abouti aux conclusions inverses (par ailleurs, ces mêmes psychologues déconseillent aussi la pratique de la pêche à la ligne).

En vérité, il existe tout de même un intérêt au rêve lucide. Il permet aux charcutiers, aux techniciens de surface et aux concierges de se rendre compte que la réalité n’est pas du tout ce qu’ils croyaient, sans avoir gâché la moitié de leur vie à tenter d’obtenir une chaire de neurobiologie ou de cosmophysique quantique. On objectera que ce n’est pas une grande découverte : de très nombreux individus le savaient déjà, on peut les rencontrer du côté de Saint-Anne.

Sources

  • Les Contes de Béhanzigue (1920) par Paul-Jean Toulet, poète palois
  • Le Savoir Cryptique Enfin Révélé, tome XXXXIII (1867) par Nadejda Popovna Blablatsky
  • La doctrine de Monroe, un impérialisme masqué (2003) par François-Georges Dreyfus, professeur émérite de l'université Paris IV-Sorbonne
  • De la difficulté à définir le rêve lucide (1997) par Christian M. Bouchet
  • Approche théorique et conceptuelle d’une réévaluation sémiolinguistique textuelle des insomnies, terreurs nocturnes et cauchemars (2005) par le Dr Léon-Théodule Schmerz
  • Le chamanisme et les techniques archaïques de l'extase (1988) de Mircea Eliade
  • Avens et dolmens à la Vacquerie-Saint-Martin de Castries : des portes ouvertes sur l’astral ? (2004) de Sergei Rotchevitch Leroy-Bubort (publié à compte d’auteur)
  • Méthodes pratiques et moins pratiques du rêve lucide (1985) par Ivan Akakievitch LaBerge
  • Tout ce qu’il ne faut pas savoir sur la scissure de Sylvius (2006) par le Dr Basilus West
  • La Bataille Navale ou Gai-Luron en Slip (1986) par Marcel Gotlib


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