Histoire de Toto

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C'est mon histoire. L'histoire d'un mec qui a fait rire des générations de bambins avec ses blagues, et qui a raccroché.

-Mais Toto, pourquoi ?

-Pourquoi ? Toto hausse les épaules ; son amertume fait peine à voir. Si vous voulez vraiment le savoir... Il ferme les yeux un instant, se plonge dans ses souvenirs, et commence à raconter :

Ils riaient tous à mes blagues : éculées, vaseuses, plates, sans queue ni tête,... ils n'en avaient rien à cirer, les mômes ! Ils se marraient. Et moi ça me plaisait de les faire rire ainsi, année après année, les grands transmettant aux petits, les parents redécouvrant avec leurs enfants, et aussi ceux qui en inventaient de nouvelles ! Oh, pas toujours avec talent mais... Toto s'arrête ; sa mâchoire se crispe, il gonfle ses poumons pour faire refluer les larmes. Je fais celui qui n'a rien vu, lui laisse le temps, et soudain, l'air déterminé à en finir avec cette histoire, il reprend :

Selon une étude extrêmement sérieuse, les enfants de moins de dix ans ne comprennent pas les blagues ; ils rient juste parce qu'ils reconnaissent que c'est une blague, et qu'ils ont repéré la chute. Pur réflexe social. La claque : à six ans, aucun môme ne comprend aucune blague. Mais ils se marrent. À huit ans, 80% des mômes n'entravent toujours que dalle. Mais ils se bidonnent. Ce n'est qu'à dix ans que les gamins pigent enfin quelque chose à une blague.

Vous savez à quel âge on raconte des blagues de toto ? Ouais, exactement : à l'école primaire. Cent cinquante ans de carrière remis en cause par une petite mademoiselle je-sais-tout en maîtrise de psycho. Je n'ai pas pu supporter d'apprendre ça, j'ai tout plaqué. C'était en 1985 ; vous en avez entendu, depuis, des blagues de toto ? J'aimerais pouvoir démentir, mais il a raison. Je détourne les yeux, gêné par ce regard triste, trop différent du toto que j'imaginais, et fais signe à Betty de renouveler les consommations. Le silence m'oppresse ; je cherche un truc sympa à dire, une ouverture vers quelque chose de positif.

- Et maintenant, vous faites quoi ?

-Ah, ça... vous n'allez pas me croire. Je peux compter sur votre discrétion ?

Un peu interloqué, j'acquiesce.

-J'ai passé un paquet de temps à déprimer suite à cette affaire, mais depuis quelques années j'ai un nouveau boulot. Un job super. Toto se penche sur la petite mallette qu'il a posé au pied de la table et en sort un objet qu'il me tend. Un masque. Je le déplie pour mieux l'examiner. Un masque de... de... Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Soudain, la lumière se fait dans mon esprit : ce costume coûteux, cet attaché-case... Toto est devenu... président ! Sicolas Narkozy, c'est lui !

-Surprenant, n'est-ce pas ? Toto récupère l'objet aussitôt et le range soigneusement dans la mallette. Je dois y aller, maintenant. J'ai un planning très chargé, mais ce fut un plaisir de parler du bon vieux temps avec vous. Il fait quelques pas vers la sortie, se ravise et revient vers moi.

- Oh, et puis vous savez, il y a une chose qui n'a pas changé depuis : mes blagues ne font toujours rire que ceux qui les comprennent pas.


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