Journal intime d'un article

Un article de la désencyclopédie.
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Jeudi 16 Novembre, 21:31 — Aujourd'hui, je suis né dans les marges d'un futur article, un projet entièrement séparé de moi-même. L'article m'écrit-il? L'écris-je? Où ne sont-ce que des mots que je lis dans le fonds de ma spontanéité?


Jeudi 16 Novembre, 21:33 — Je parle beaucoup je trouve pour un journal. Serait-ce ça, le syndrôme de la page noire? Et pis de toute façon si j'arrête d'écrire Otto Frank va quand même pas m'attaquer en justice pour non-complétion d'une argumentation potentielle contre les pratiques antisémites, non? Non?


Jeudi 16 Novembre, 21:35 — Je ne veux pas faire du journalier, je veux voyager à travers des Oeils rOnds qui battent de toute l'envergure de leurs cils, des voletées manuelles blanchissant les mots-colombes dans une frénésie floue de pagination.


Jeudi 16 Novembre, 21:35 — La première fois que l'article m'écrira, il devra m'appeler Cher Journal Intime. J'aime bien. S'il est pas d'accord je réécrirai sa vie à ce fils de pute.


Jeudi 16 Novembre, 21:36 — Le journal, c'est la chose la plus facile à négliger et oublier justement parce que c'est sa profession que de ne rien oublier. Je me sens exploité, sous-évalué et en pied de page. Je cherche à mettre mon index sur mon Annexeur avec son grand A et son petit air de CONNArD. C'est toujours "SON journal intime", le "journal intime DE Pierre-Marie" etc. Moi je suis surtout INTIMEMENT convaincu qu'ils peuvent aller se pendre avec le fil rouge de leurs idées.


Jeudi 16 Novembre, 21:36 et 50 secondes — A force de me poser des questions, je me demande si c'est pas l'article lui-même qui devrait le faire. Après tout c'est lui qui cherche à savoir à quelle page va tomber le mot Fin. Je ne suis pas à l'article de la mort. Au contraire j'ai mes fins à moi, mes dernières pages ici et là. Je les ai reliées à moi, le début de la fin et la fin du début, et la fatalité de cet article nécro-obsédé ne corrèle en rien avec ma mort hermétique comme le vide à découvrir entre une première de couverture et sa quatrième de couverture.


Dimanche 19 Novembre, 12:53 — Fait divers. Un journal vole un article à la sauvette au mini-marché de Maurice-Les-Bains dans la province de la Potée-au-Côtillon. Selon les autorités locales, la nature de l'article reste...


Jeudi 16 Novembre, 21:36 et 55 secondes — ... je blaguais. Il reste pas moins vrai que maintenant je peux crier sous tous les toits "Eh c'est écrit dans le journal!".


Jeudi 16 Novembre, 21:36 et 56 secondes — Je me suis arraché les pages pour recommencer un nouveau livre. J'en avais marre de tourner des vents à la fois gras et incolores et sans image. Je voulais rouler des voletées aux moineaux écrivant l'air. Je me suis inventé un cul de moine pour voler inculte. Tiens je vais me saoûler la gueule MAINTENANT. Parce que maintenant, ça change d'être un support de choses passées, d'être écrit parce qu'un article touche à sa fin. Se fendre pour dériver vers un jeudi blanc.


Jeudi — Pour la première fois j'oublie la date. Il y a pas de date aujourd'hui, tout comme il n'y aura de mort que demain. Je serai toujours Moi (né Aujourd'hui, à Demain — mort Demain, à Près-Demain) avec ce "jusqu'à nos jours" dans une encre indélébile. Plus j'ai envie de vivre, plus j'ai l'impression que je me lis. Lire c'est écrire, écrire c'est se faire vivre. Finalement je n'ai pas besoin de l'article pour me faire vivre. Je peux vivre tout seul. C'est mon feu promothéen à moi, la garantie que je suis libre. Seul en feu en autarcique.


Jeudi — C'est bizarre je me plains pas de TROP vivre. Du moins personne ne m'en a jamais fait la remarque. Cela aussi d'ailleurs c'est bizarre, que personne ne me l'ait remarqué. Parce que souvent, vivre c'est occuper la place de quelqu'un d'autre qui ne manque pas de vous emmerder pour ça. Vivre c'est priver. Si je vis de trop, ce quelqu'un d'autre a-t-il une vie privée? Alors moi, ai-je une vie publique involontaire? Pourrais-je en avoir une S'IL-VOUS-PLAIT? Ah être publié contre un typhus hollywoodien de popularité!


Jeudi — Qu'est-ce que désirer plus qu'on ne vit sinon imaginer. Et imaginer, n'est-ce pas seulement imaginer rester sur le quai? Et puis d'abord, qu'est-ce donc qu'une VIE majuscule? Et un quai faisant TCHOUUU TCHOUU rêve-t-il de m'emporter dans sa pneumonie locomotive?... ou me dit-il "TCHUSS TCHUSS tu rêves pas, j'me casse"?


Jeudi — Je me suis dit aujourd'hui que j'allais écrire le futur de Dieu. C'est que si rien ne peut mieux me faire vivre que le Passé, je suis proprement le Futur du Monde. Certes Dieu amène avec lui un nombril, peut-être celui de trop. Mais alors pourquoi ce désir? C'est qu'un journal doit toujours s'achever avec le mot fin, alors, et peut-être seulement pour ça, j'ai dû décider d'écrire de quelqu'un d'autre le mot fin.


Citations posthumes

« Eh c'est écrit dans le journal! »

~ Un journal intime d'un article à propos de son vol à la sauvette
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