Chanson française

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En France il y a deux catégories de chansons : les chansons à textes et les chansons tout court. Pourtant, l’auditeur attentif aura remarqué que TOUTES les chansons possèdent un texte (sinon on appelle ça un instrumental, comme dans Richard Clayderman). Alors comment s’y retrouver ? Comment distinguer la première de la seconde catégorie ?

Exemples

Prenons un exemple très simple. Voici le refrain de la chanson « Les Rois Mages » interprétée par Sheila :


Comme les Rois Mages en Galilée

Suivaient des yeux l'étoile du Berger Je te suivrai, où tu iras j'irai Fidèle comme une ombre jusqu'à destination

Bien que certaines informations ne soient pas dénuées de tout intérêt, notamment en ce qui concerne le mode d’orientation des rois mages en Galilée, il apparaît très vite que cette chanson appartient à la seconde catégorie : thème de la femme soumise traitée sans aucune distanciation, absence totale de sens profond, pas de critique au vitriol de la société. Une sorte de néant sans conséquence dont la seule fonction est de donner chair à la mélodie. Somme toute, Sheila aurait très bien pu chanter les conseils diététiques inscrit sur une boîte de Corn Flakes, l’auditeur lambda n’y aurait vu que du feu.

Sheila et Ringo au temps du bonheur, juste avant qu'elle ne lui fasse part de son projet d'annulation


Prenons un second exemple, puisé dans le répertoire de la même Sheila, décidemment riche en chanson tout court.


Laisse les gondoles à Venise

Le printemps sur la Tamise On ouvre pas les valises On est si bien Laisse au loin les Pyramides Le soleil de la Floride Mets nous un peu de musique Et prends ma main.

Contrairement à l’exemple précédent, il y a dans ce texte un message. Pour autant, la présence d’un message suffit-il à caractériser la chanson à texte ? Ce n’est pas aussi simple.

En substance, que dit Sheila (à son compagnon du moment, Ringo, un grand brun ténébreux) : Laissons tomber notre séjour au club med de Venise qui nous a coûté les yeux de la tête. Face au légitime rictus d’incompréhension stupide qu’on imagine se former sur le beau visage de Ringo, la chanteuse poursuit, un brin euphorique, en lui proposant de poser un 45 tours sur le pick up et de lui prendre la main. Notons au passage que la chanteuse, sans doute très émue, perd les quelques notions de géographie qu’elle avait péniblement accumulé sur les marché de Levallois en vendant des bonbons, et situe Venise à un jet de pierre des pyramides d’Égypte, baignées de surcroît par le soleil cuisant de la Floride. On imagine aisément la réaction de Ringo (qui est un homme intelligent) face à tant d’ineptie.

Ces deux exemples suffiront à définir la chanson tout court. Mais quid de la chanson à texte ? La chanson à texte est tout ce que sa voisine n’est pas : intelligente, élégante, pleine de sens, de sous-entendus, de grâce, de beauté et de poésie. Mais ça ne suffit pas : elle véhicule également un message fort. Par exemple : la société est pourrie (Damien Saez) ou bien : l’amour est sans issue et par conséquent pourri (Damien Saez). Ou alors : la misère c’est mal (Bernard Lavilliers, Mano Solo) Evidement, les choses ne sont pas exprimées avec autant de brutalité, mais au travers d’image fines, de métaphores flamboyantes. Nous avons affaire à de la poésie, de la vraie.

Vincent Delerm

Le cas Vincent Delerm est un peu à part. Aucun auditeur sensé ne s’aventurera à le ranger dans la catégorie des chanteurs frivoles. Pourtant, si on lit ses textes en les débarrassant de tous les noms propres qui les parsèment, il reste en général deux ou trois lignes qui suffisent à elles seules à plonger le lecteur dans un état proche de la stupeur. Mais Vincent est un malin : connaissant ses limites, il a tout misé sur l’apparence : rasage au coupe choux, pull informe ou chemise déboutonnées qui laissent à penser que les vanités de ce monde lui sont étrangères. Sourire sous la torture uniquement : tout à sa problématique, Vincent n’a pas de temps à consacrer à la rigolade. Et pour finir, voix chevrotante d’adolescent en mue : Vincent ne donne pas dans le joli, l’aimable, Vincent est un véritable poète, il faut le mériter.

Et force est de constater qu’il faut du mérite pour écouter dans son intégralité un de ses deux albums.

Vincent devise gaiement avec son ami le photomaton.

Le jeu des noms propres

Pour finir, un petit jeu. Sauras-tu comprendre ce texte un fois débarrassé de ses noms propres ?

Celles qui ont vu trois fois…
Celles qui ont pleuré…
Celles qui faisaient des exposés
Sur… et sur…
Celles qui ont envoyé du riz
En… en…
Celles qui disaient « tu comprends pas »
Les filles de 1973 ont trente ans lalalala
Les filles de 1973 ont trente ans lalalala
Celles qui mettaient des…
Et des t-shirts…
Celles qui ont porté les baskets
… de…
Celles qui fabriquaient des bracelets
Brésiliens pendant l'heure d'anglais
Celles qui disaient « … »
Les filles de 1973 ont trente ans lalalala
Les filles de 1973 ont trente ans lalalala
Celles qui pratiquaient des suçons
Dans le cou de…
Celles qui fusillaient au…
Les tables du Lycée…
Celles qui disaient « Madame, c'est vrai
On n'a rien compris au sujet. »
Celles qui s'appelaient
……………………………………………………….
Les filles de 1973 ont trente ans lalalala
Les filles de 1973 ont trente ans lalalala
Celles qui ont vu trois fois…
Celles qui ont pleuré…


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