Humour en situation désespérée

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Bande de rabat-joie !

Les affaires ne vont pas bien, tu es au bout du rouleau et t'as l'impression que ta vie ressemble de plus en plus à ce bout de cornichon qui pourrit dans l'interstice inaccessible entre ton frigo et la cuisinière ?

Tu n'aurais jamais dû acheter cette tondeuse électrique automatique qui maintenant est programmée pour te tuer et découpe lentement la porte du cabinet de jardin dans lequel tu t'es réfugié ?

Tu n'as plus le moral, ton avenir te parait sombre et froid et tu ne penses pas avoir le courage de remonter la pente, surtout depuis qu'on t'a volé le siège conducteur de ta bagnole ?

Tu n'aurais jamais dû accepter d'être cobaye pour un laboratoire pharmaceutique, surtout celui qui est situé à côté d'un MacDo et dont les infirmiers ont des casquettes avec le logo ?

Tu veux en finir avec la vie, car rien ne va comme tu veux, et tu aurais bien avalé le contenu entier de ta boite de barbiturique, mais tu ne peux pas parce que c'est contre-indiqué en cas d'insuffisance hépatique ?

L'eau monte dans l'habitacle de la voiture, la ceinture de sécurité est bloquée, et tu viens de trouver un mot de ton garagiste dans la boite à gants: "Je vous avais bien dit de prendre l'anti-rouille en option" ?

Bref, la situation est désespérée ?

Et bien tu sais quoi ? PENSE AUX AUTRES ! Espèce de sale petit égoïste merdeux ! Tu penses que ça nous amuse, nous, de te voir te mourir lentement dans ce broyeur en promotion ? Tu crois que ça nous fais rire, de te voir déprimer, le visage terne, les yeux révulsés, la langue grise et pendante ? Hein ? Et bien je vais te le dire, moi, si ça me fait rire : Plus maintenant ! Enfin, plus depuis qu'il y a la télé-réalité, en tout cas.

Alors voilà, au lieu de pleurer sur ton sort et de finir tout mort, fais un effort, prends sur toi, et prépare un petit truc comique ! Merde, quoi, toi, tu t'en fous, tu vas claquer. Alors, autant nous faire rigoler un peu. On a nos soucis, nous aussi, putain. Tiens, hier, j'ai oublié de faire le plein de ma Mercedes. Tu vois ! Tu vois ?

Une façon originale de mourir

L'humour en situation désespérée existe depuis la nuit des temps. En témoigne ce texte découvert dans la pyramide de Khéphren. Traduction: "Je viens d'être enfermé par erreur dans la pyramide. Sans nourriture et sans air, je ne vais pas tarder à perdre mon souffle vital. N'ayant pas été embaumé, l'entrée du royaume des morts me sera refusée par le dieu Osiris. Poil au clitoris."

On t'a toujours dit que ce qui est cool, c'est la drogue. Mais en réalité, ce qui est vraiment cool, c'est de faire de l'humour en situation désespérée.

Lorsqu'il va mourir, l'être humain est naturellement enclin à crier comme un abruti ou à chier dans son froc. D'accord, cet instant exceptionnel dans la vie d'un homme constitue en soi une circonstance atténuante. Et on aura tôt fait de me rétorquer, pour justifier cette attitude ridicule et pathétique, qu'on voudrait bien m'y voir, moi, si jamais, par exemple, un lapin géant débarque le jour où je me suis déguisé en carotte. Parce que, finalement, si on ne panique pas un peu lorsque la corde se resserre autour du cou, lorsque le feu a déjà atteint le troisième étage, ou lorsque l'aspirateur a déjà englouti le bras gauche, alors on ne paniquerait jamais. Paniquer, c'est bien la moindre des choses[1].

Ok, je ne dis pas. Mais bon, au final, c'est la dernière impression qui compte. Et lorsqu'ils défileront devant le tombeau fraichement creusé, tes connaissances, bien qu'affichant un visage triste et compatissant, n'en penseront pas moins que c'est la honte, de chier dans son froc. C'est ça, l'image que tu veux laisser de toi ?

Si ce n'est pas le cas, il va falloir faire un petit effort. Je sais ce que tu vas me dire, toi dont la vie est suspendue au bord du gouffre froid de la mort tel ton propre corps retenu uniquement par la cravate alors que tu voulais voir si on pouvait apercevoir la tour Eiffel depuis le haut de cet immeuble[2]. Tu vas me dire: « Euuaaarg ! » C'est ce qu'ils disent tous, en situation désespérée. Mais pense à ton enterrement ! Si tu choisis l'humour en situation désespérée, nul doute que pour tes funérailles, tout le monde en rigolera encore.

Un bon moyen d'entrer dans l'Histoire

Des clampins qui se font rôtir dans un incendie, qui meurent en pleine mer sur un canot gonflable "Bob l'éponge" ou qui se font torturer à mort par un régime dictatorial, il y en a des tas. Et tout le monde s'en fout. Par contre, ceux qui s'en sont allé en rigolant, ceux-là ont marqué les esprits et resteront à jamais dans nos mémoires. Par exemple, il y a, euh, ben, euh ...

Jésus Christ

À ton avis, pourquoi on parle encore de lui ? C'est pas parce qu'il portait un costume Armani, en tout cas.

Ainsi, en 33 après lui-même, Jésus, condamné par les romains, est cloué sur une croix. En soi, rien de drôle, me diras-tu. Et les Évangiles le décrivent plutôt désespéré face à la mort lorsqu'il déclare le célèbre: « Père, pourquoi m'as-tu abandonné ? ». Mais c'est surtout un air qu'il se donne, tout ça pour attirer du public et faire sa pub: « Chez moi, pour mes serviettes et pour mes suaires, je n'utilise que la lessive Holy White Spirit. Holy White Spirit, la lessive qui ne vous laisse jamais tomber ! C'est pas comme d'autres, hein, papa ?! »

Mais les dernières paroles du Christ, pour ses disciples venus lui dire un dernier coucou, furent en réalité: « Hé ! Les gars ! Hé ! Hé ! Les gars ! Regardez, les gars, regardez ! Je fais l'avion ! Vrrouuu ! »

Abraham Lincoln

Le 14 avril 1865. Qu'est-ce qu'on s'est marré ce jour-là !

Le seizième président des États-Unis fut abattu par John Wilkes Booth le 14 avril 1865. Mortellement blessé, il décéda le lendemain. Entre temps, il y eut largement assez de temps pour pratiquer l'humour en situation désespérée. Robert K. Stone recueillit ses dernières paroles: « Avant de mourir, je vais vous avouer un secret. Si je porte toujours ces chapeaux haut-de-forme ridicules, c'est parce que j'en ai une vraiment très très longue. »

Notons que cette réplique à l'humour douteux est sujet à controverse. En effet, beaucoup pense que Lincoln a en réalité plagié Napoléon, qui lui aussi avait des chapeaux ridicules[3].

Edward John Smith

Par exemple, il y a aussi Edward John Smith, commandant du navire Titanic, qui aurait été un petit peu plus célèbre s'il n'avait pas totalement merdé sa sortie en 1912. Oh, il avait prévu le coup, et il avait d'ailleurs préparé un petit texte. Malheureusement, il avait mangé le papier pour impressionner (sans grand succès) Charlotte Drake Cardeza.

À l'heure du naufrage, il tenta quatre fois de s'en souvenir.

Le 15 avril 1912. Une des plus grandes rigolades de l'histoire de la navigation.

Premier essai : « Mesdames et messieurs les passagers, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a pas de mauvaise nouvelle, et que ... euh, non, c'est pas ça. »

Deuxième essai : « En fait, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il n'y a pas de bonne nouvelle, et la mauvaise ... euh, non, zut. »

Troisième essai : « C'est une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle qui sont dans un bateau. La bonne nouvelle tombe à l'eau et se noie dans d'horribles souffrances dans la mer glacée... Hum, non, rien laissez tomber, je vais la faire autrement. »

Quatrième et dernier essai : « Mesdames et messieurs les passagers, j'ai une bonne et deux mauvaises nouvelles. La première mauvaise nouvelle, c'est qu'il n'y a pas de bonne nouvelle, et la deuxième mauvaise nouvelle, c'est que .. glouh glouh glouh. »

Bon, c'est sûr que ce n'était pas la blague la plus drôle qu'on puisse imaginer. Mais apparemment, Edward était un peu limité. Franchement, manger du papier pour se serrer de la meuf, n'importe quoi !

Et bien d'autres

L'Histoire regorge de personnalités uniquement connues pour avoir su pratiquer l'humour en situation désespérée au bon moment.

Même si c'était totalement ridicule, comme Marie Curie qui courrait partout dans le noir en montrant ses fesses et en criant: « Je suis une luciole ! Je suis une luciole ! »

Même si c'était incompréhensible, comme Ayrton Senna dont on ne saurait jamais ce qu'il a voulu dire par « C'est l'histoire de P... »

Et même si c'était parfois plutôt de mauvais gout, comme Heinrich Himmler qui, avant d'avaler son tic-tac mortel, déclara: « L'humour en situation désespérée, moi, je veux bien. Mais ce serait quand même dommage de mourir en faisant un four. »

Prouvé scientifiquement

Rigoler face à la mort, c'est bien connu, c'est bon pour la santé[4]. C'est même prouvé scientifiquement.

L'expérimentation sur les êtres humains est apparemment illégale[5]. Mais les scientifiques ont eu recours à leur cobaye préféré: le clodo la souris blanche.

Non seulement cette saleté de souris s'enfuit avec un jetpack, mais en plus, elle nous nargue en envoyant des photos depuis Hawaï.

Le principe de l'expérience qui mit en lumière l'importance de l'humour en situation désespérée est très simple: une cage dont le sol est amovible est disposée au dessus d'une friteuse en marche. Un petit moteur ouvre lentement la trappe. Au bout de cinq minutes, le rongeur ne peut que tomber dans la friteuse, sauf si ce petit enfoiré a fabriqué un jetpack avec des morceaux d'aluminium et de l'acide perchlorique (obtenu par électrolyse).

Voici les résultats d'une expériences mettant en jeu 40000 souris blanches, divisées en quatre groupes: A, B, Hyrgul[6] et D. Il faut savoir que les groupes A et B ont été culturellement éduqués à l'humour lors d'une séance de visionnement des spectacles de Pierre Desproges, et que les groupe B et D ont subit une mise en situation désespérée particulièrement pénible en étant soumis à l'intégrale de Cindy Sander.

A B Hyrgul D Cause du décès
9974 8744.5 9966 9181 Mort par cuisson en friteuse
0 1213 0 785 Suicide durant la deuxième phase
12 34 10 27 Victime de l'attaque des poivrons tueurs
12 5 23 7 Crise cardiaque
2 1.5 0 0 Éclatement suite au choc thermique au contact de l'huile bouillante
0 0 1 0 Hypoglycémie
0 1 0 0 Suite aux blessures occasionnées par un mâchouillage accidentel
0 1 0 0 Suite aux blessures occasionnées par un mâchouillage non accidentel[7]
0 0 0 0 Mort sans souffrance


A B Hyrgul D Comportement avant le décès Temps (en seconde) de survie dans l'huile bouillante
8999 7130 8313 5733 Heu, difficile à dire 0.012
419 622 802 1201 Je crois que c'est: pas content 0.014
301 832 612 1421 Semble paniqué -0.001
231 142 161 751 A l'air de s'en foutre complètement 0.018
0 0 0 75 Cornichon. Pourquoi diable ai-je écrit "cornichon" dans mes notes ? 0.015
16 12 2 0 Sourit (c'est le cas de le dire, hihihi) 0.023
10 8 1 0 Rit aux éclats 0.045

On en conclut que l'humour en situation de crise permet d'augmenter de 0.030 secondes le temps de survie.

Graphique de la fréquence du cri poussé par la souris en fonction de la température de l'huile de la friteuse. En soi, ces données sont peu informatives, mais ça reste rigolo à mesurer.

Étudié par des spécialistes

Le professeur Archibald Cottus-Gobio est un spécialiste de l'humour en situation désespérée. Il aime également les rivières caillouteuses et les larves d'insecte.

Le professeur Archibald Cottus-Gobio, spécialiste de l'humour en situation désespérée, est venu tout spécialement de l'université de Californie pour nous en parler.

dÉsencyclopédie : Professeur Cottus-Gobio, vous êtes l'auteur des best-sellers "Mourir en rigolant", "Youpi, mon avion a perdu une aile !" et "Le 11 septembre: comment la tragédie aurait pu tourner en comédie". Depuis combien de temps vous intéressez-vous à l'humour en situation désespérée ?
Cottus-Gobio : Depuis tout petit. Des gens qui meurent lentement et douloureusement, ça m'a toujours fait marrer.
dÉsencyclopédie : Pouvez-vous nous expliquer brièvement en quoi consiste votre travail au quotidien ?
Cottus-Gobio : Celui-ci est multiple. Je passe beaucoup de temps à étudier des cas d'école, pour en extraire les mécanismes fondamentaux. Mais la partie la plus intéressante est le travail sur le terrain. Je voyage beaucoup dans les régions sinistrées ou dans les salles d'attente des centres médicaux spécialisés dans le cancer. Je dois aussi aller chercher le café entre deux conférences à l'institut de sociologie.
dÉsencyclopédie : En quoi votre travail est-il utile à l'humanité ?
Cottus-Gobio : La promotion de l'humour en situation désespérée est une bonne chose, parce que ça me rapporte de l'argent. Vous savez, je fais partie des gens qui pensent que si on améliore la vie d'un seul individu, on fait quelque chose d'utile. En l'occurrence, cet individu, c'est moi. Notez qu'en plus, en beaucoup d'occasions, je suis le seul témoin de certains cas désespérés. Sans moi, beaucoup de personnes pratiquant ce noble art n'auraient pas la chance d'avoir un public.
dÉsencyclopédie : Si on veut, comme vous, devenir un spécialiste de l'humour en situation désespérée, quelles études doit-on suivre ?
Cottus-Gobio : Des études ? Non, je pense qu'il suffit de se munir d'un ou deux parpaings, d'aller sur un pont au dessus de l'autoroute et de les lancer au passage des autobus scolaires ou des camions citernes.
dÉsencyclopédie : Euh ? Cela n'est-il pas interdit par la loi ?
Cottus-Gobio : En fait, si. Mais il suffit d'être discret. Et puis, si vous vous faites arrêter, vous pouvez toujours demander pour avoir une cellule avec vue sur la chaise électrique. Ça, c'est chouette aussi.

Une bonne méthode pour affronter la crise financière

Cool ! Encore une bonne occasion de se poiler !

Aujourd'hui, il est devenu clair que le système économique s'écroule à la moindre occasion. Heureusement pour eux, ceux qui font des erreurs ont eu l'intelligence de se prémunir de devoir assumer leur responsabilité. Et lorsque la crise s'abat sur le monde globalisé, les puissants font semblant de rien et sifflotent en regardant ailleurs pendant que c'est toi, pauvre abruti qui n'a même pas de parachute doré, qui paie les pots cassés.

On pourrait alors se révolter contre l'injustice de la chose, contre l'économie fictive, contre la baisse de la part des revenus du travail dans le PIB, contre l'augmentation de l'écart entre les riches et les pauvres, ... Mais on ne peut pas ! Parce que sinon, on va devenir communiste, et on va devoir manger des enfants[8]. Alors, le mieux ne serait-il pas de prendre la chose avec bonne humeur ? Ça calmerait les esprits, maintiendrait la cohésion sociale, et ferait passer la pilule.

Après tout, un peuple qui rit en situation désespérée est un peuple détendu. Un peuple détendu est un peuple qui regarde la télévision. Un peuple qui regarde la télévision est un peuple qui a du temps de cerveau humain disponible. Et du temps de cerveau humain disponible, c'est bien connu, ça va relancer l'économie !

Notes

  1. Quoique, on observe parfois, en situation désespérée, une certaine tendance à vouloir en profiter pour niquer une dernière fois. Cela requiert parfois de ne pas être entièrement opposé à la nécrophilie.
  2. Si ce bâtiment est à Perpignan, c'est que tu es victime de ce qu'on appelle la "sélection naturelle".
  3. Et ce qui expliquerait également la position de sa main.
  4. Plus on rigole face à la mort, mieux on se porte, et moins on est face à la mort. Alors on rigole moins et la mort revient. C'est ballot.
  5. Même sur les chinois ! Alors qu'en plus il y en a des tas en réserve !
  6. Ben quoi ?
  7. C'est fou comme une souris a un goût proche du chicken nugget.
  8. Et je te garantis que c'est encore moins bon que ça en a l'air.


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